CERVEAU DROIT / CERVEAU GAUCHE
Construction analytique ou synthétique ? En bande
dessinée comme dans tous les arts, on peut faire marcher
un de ses deux cerveaux, le gauche ou le droit, ou les deux.
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Cerveau gauche Pensée ---> Logique |
Cerveau droit <--- Intuition Globale |
A chaque instant, le cerveau gauche enregistre, comprend, utilise les fonctions verbales, séquentielles, etc et le cerveau droit enregistre et comprend le global. Les deux hémisphères fonctionnent ensemble, de façon complémentaire, permettant de conceptualiser les idées, les objets.
Mais les circonstances, les habitudes ou la personnalité
peuvent faire qu'un hémisphère prend le pas sur l'autre,
du moins pour certaines activités.
Le cerveau droit est ainsi très actif quand on marche sur
un trottoir encombré. Tout en pensant à autre chose
ou en conversant avec un ami, une partie vigilante et discrète
du cerveau estime à sa manière la vitesse et la direction
des personnes qui arrivent sur nous, réglant nos pas pour
éviter toute collision. Dans un domaine plus proche de nos
préoccupations, on sait que les personnes initiées
très jeunes à la lecture de BD, entre 4 et 10 ans,
période où la dominance verbale et analytique n'est
pas encore établie par l'éducation, lisent et regardent
en même temps la bande dessinée, fusionnant avec le
cerveau droit toutes les images en un flot ininterrompu et multidimensionnel,
se fabricant ainsi un univers envoûtant. A l'inverse, beaucoup
d'adultes mis en contact tardivement avec la bande dessinée
n'y voient plus que des images, signes et mots à déchiffrer
les uns après les autres, et n'y prennent aucun plaisir.
Notre civilisation occidentale et notre formation
favorisant très tôt le cerveau gauche et la logique
verbale, on aborde le dessin presque toujours sur un mode intellectuel
et analytique. C'est ainsi qu'on découpe le dessin en éléments
signifiants, en inexploitant le cerveau droit. Seuls quelques spécimens,
comme notre Franck, sont passés au travers de cette dictature
du cerveau gauche.
En fait, l'approche globale du dessin, dans un état parfois
presque second, n'est pas surnaturelle mais tout à fait physiologique.
Cette approche, qui nous parait étonnante quand on l'a perdue
et oubliée, correspond à la mise en oeuvre du cerveau
droit, soit parce qu'on le peut naturellement, soit parce qu'on
l'a réappris. Quand on y pense, ce n'est pas plus étonnant
que notre capacité à traverser une rue encombrée
en gérant l'espace "les doigts dans le nez", ou
de rentrer dans l'univers global d'une bande dessinée comme
on rentre dans un film ou un monde plein et réel.
En pratique, en dessin comme ailleurs, l'idéal est sans doute de valoriser nos deux hémisphères cérébraux. Leurs compétences sont complémentaires et leur coopération extrêmement productive et agréable.
Rééducation
La tyrannie du cerveau gauche analytique est-elle irrémédiable
quand on a été formaté par notre logique occidentale
?
Les bédéistes amateurs et faiblards du cerveau droit,
que nous sommes pour la plupart, peuvent-ils se rééduquer
et remettre au travail cet hémisphère ?
Pouvons-nous équilibrer notre apprentissage technique très
cerveau gauche par une créativité plus spontanée,
avec un sens intuitif de l'espace ?
Sans doute que oui.
En fait, quand vous regardez l'évolution graphique des dessinateurs
professionnels, beaucoup étaient des "dessineux"
laborieux et très cerveau gauche à leurs débuts.
Puis, l'expérience aidant, ils ont acquis aisance technique
mais aussi, pour certains d'entre eux, un déclic cerveau
droit s'est produit, ce dernier reprenant visiblement de la vigueur
à force d'exercices.
Un critique spécialiste de BD, Thierry Smolderen, a observé
attentivement tous les Blueberry pour étudier les évolutions
graphiques de Jean Giraud. Il semble que le dessinateur de cette
série mythique a gardé depuis l'enfance une vision
spaciale très cerveau droit. Il l'a toujours exploité
pour le dessin de personnages mais qu'assez tardivement pour les
décors. C'est seulement dans l'album La Piste des Navajos
et, plus nettement encore, dans Lee Spectre aux balles d'or, que
se passe le déclic.
Vignette du Spectre aux balles d'or (Blueberry, Ed. Dargaud, 1972), de Jean Giraud. Le paysage est saisi tout entier dans l'étreinte de l'écorce terrestre. L'inversion des rôles traditionnels du plein et du vide dans les décors et la manipulation de grands espaces dans des cadres réduits apparaissent ici. Celà constitue la base du style de Moebius, alias Jean Giraud, dans ses oeuvres ultérieures. |
Notre rééducation de bédéiste
doit s'appuyer sur la focalisation de notre attention sur tous les
espaces, sans distinction, qu'ils soient pleins ou vides, ouverts
ou fermées, signifiant verbalement ou non. Ainsi, on peut
passer insensiblement d'un balayage analytique à un balayage
purement visuel, passant d'un mode de fonctionnement cerveau gauche
à celui propre au cerveau droit.
Et si la transe est au rendez-vous, c'est la cerise sur le gâteau
!
Aussi bien chez les scientifiques que les artistes, il y a eu des modes très favorables au cerveau gauche et d'autres très favorables au cerveau droit, cette dernière étant actuellement plutôt à l'honneur dans les arts. Il est cependant simpliste de penser que l'homme crée sans son hémisphère gauche. En fait, nos deux hémisphères sont sans cesse en train de se transmettre des informations et coopération entre les deux approches est bien utile.
Quelques bonnes vieilles méthodes cerveau gauche:
Quelques trucs pour exercer le cerveau droit:
Bibliographie: Les Cahiers de la bande dessinée n°70 (1986).
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